Alice, ti amo !

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Il n’y a rien de plus jouissif que les coups de cœur face à une œuvre. On reçoit un cadeau inattendu de quelqu’un de généreux qui ne nous connaît pas, mais qui nous offre quelque chose de beau.

On ressent une émotion chaude, belle et forte. Quelque chose de notre humanité assoupie s’éveille et monte en nous. On s’élève. On est ému de se sentir aussi vivant et palpitant. Le coup de cœur nous rend meilleurs.  On renoue avec l’enfance. On admire sans détours. En deux mots simples : on aime.

Je n’avais jamais entendu parler d’Alice Rohrwacher, la réalisatrice italienne. Je n’avais vu aucun de ses films. Et puis (grâce à la plateforme Mubi) j’ai découvert Corpo Celeste et Les Merveilles, et le documentaire sur la jeunesse italienne Futura et Heureux comme Lazzaro. C’est peu dire que je suis impatient de voir La Chimère et ceux que je n’ai pas encore vus.

J’aime Alice Rohrwacher pour les histoires qu’elle raconte et pour la façon dont elle les met en images. Je l’aime pour la lucidité, mais aussi la délicatesse, la subtilité de son regard sur les êtres humains. Pour la complicité immédiate de sa caméra avec tous ceux qu’elle filme. Comment peut-on ne pas aimer l’Italie et les Italiens ?

Dans sa mise en scène, le choix de ses plans, les cadrages, le montage, le rythme de ses films, les surprises abondent, mais son style très personnel reste toujours fluide, spontané. L’élégance de l’évidence. On se laisse emporter. On peut croire que tout reste possible. C’est une chance formidable d’être vivant sur cette planète. C’est incroyable tout ce que l’on pourrait faire pour en profiter davantage. Si seulement.

Gordon & Abel : Encore ! On vous aime !

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Il y a des gens qui ne vont jamais au cirque, trouvent le mime ringard, la danse non plus, ce n’est pas leur truc. Ils ne rient jamais en regardant les films de Buster Keaton, ils dorment pendant ceux de Jacques Tati, bâillent devant ceux de Pierre Etaix et boudent ceux de Aki Kaurismäki. Alors le cinéma belge, ils ne savent même pas qu’il existe.

Ceux-là, les malheureux, passeront complètement à côté des précieux bijoux de Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy, que l’on peut voir en ce moment en streaming sur la plateforme Mubi

Les autres pourront découvrir, voir et revoir : L’Iceberg, Rumba et cerise sur le pompon du gâteau : La Fée. Même le nom de leur société de production est formidable : Courage mon amour Films.

Quatre films indispensables sont réunis dans un coffret judicieux.

Il y a très longtemps que je n’avais pas autant ri en regardant un film. Autant ri et autant aimé les auteurs, les acteurs, le réalisateur. Parce que le cinéma de Gordon-Abel et Romy, c’est un cinéma précieux, qui tourne le dos au marketing et au box-office. Un cinéma généreux, audacieux, insolite, bourré d’idées et de trouvailles de toute nature, un cinéma rempli de tendresse pour le genre humain. Ces films qui retrouvent la rigueur millimétrée des grands classiques comiques du cinéma muet, sont aussi farfelus que pertinents, aussi louftingues que perspicaces. Bref, du jubilatoire, on aurait tort de s’en priver.

Après le mot « Fin », on a envie de crier « Encore » et « Je vous aime ! ».

The counselor. 1973. Cormac McCarthy-Ridley Scott.

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“Actions create consequences which produce new worlds, and they’re all different. The world in which you seek to undo the mistakes that you made is different from the world where the mistakes were made. You are now at the crossing, and you want to choose, but there is no choosing there. There’s only accepting. The choosing was done a long time ago. »

« Les actions entraînent des conséquences qui produisent de nouveaux mondes, tous différents. Le monde dans lequel vous essayez de réparer les erreurs que vous avez commises est différent du monde dans lequel ces erreurs ont été commises. Vous vous trouvez maintenant à un carrefour, et vous voulez choisir, mais il n’y a plus de choix possible. Il ne reste que l’acceptation. Le choix a été fait il y a longtemps.« 

Le naufrage du capitaine Volkonogov

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Le Capitaine Volkonogov s’est échappé de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov.

Cela aurait pu être un bon film. C’est un très mauvais film.  Galvanisé ou enivré par ses outrances, le Capitaine Volkonokov n’échappe pas à l’égo anabolisé de ses auteurs. Il se dandine pendant deux heures sur 3 pieds sans savoir sur lequel danser : Fausse reconstitution d’époque – la terreur durant les purges staliniennes – ?Timide parabole sur la Russie d’aujourd’hui, mais sans l’assumer ? Lourde dystopie, inquisition et pays en ruines. Le tout enveloppé de considérations chrétiennes absurdes sur l’éventuelle possibilité d’une rédemption pour les tortionnaires repentis. Voilà pour le menu.

Les deux réalisateurs étouffent leur propre film à coups de : « T’as vu un peu mes décors ? T’as vu un peu mes costumes ? T’as vu un peu avec quelle audace je te filme ça en gros plan ? Y a pas que Ridley Scott pour filmer des scènes d’action ! » Ce n’est plus un film c’est une exhibition de foire. Un ours sur un petit vélo. À force de vouloir tout montrer de façon outrée, esthétisante et surtout sans le moindre mystère, cela devient de la pornographie.  On en sort épuisé sans avoir rien appris, du moins si l’on savait déjà que Staline était un abominable dictateur et qu’une armée de tortionnaires à ses bottes torturait jusqu’aux aveux puis déportait ou exécutait sans relâche des centaines de milliers de braves gens, soupçonnés de manquer d’enthousiasme pour le régime. Entre 1937 et 1938, le NKVD a arrêté plus d’un million et demi de personnes, dont près de sept cent mille furent fusillées. Très vite, le spectateur assommé d’horreur et de scènes de violences en est réduit à se demander : « Le héros accablé par la culpabilité et le remord va-t-il réussir à obtenir le pardon qu’il espère trouver de la bouche d’un proche de ses victimes afin de ne pas errer pour l’éternité de l’autre côté des barrières du paradis ? » Attention divulgâchage : Non, il n’y aura pas de Chimène pour lui murmurer :  » Va, je ne te hais point. » À ce stade, on a le droit de se demander ce qu’on fiche encore dans la salle et pourquoi on ne lit pas Vassili Grossman ou Varlan Chalamov au lieu de perdre son temps devant ce déballage grand-guignolesque.

P.S. : Il existe un roman d’anticipation russe, osant le parallèle manifeste entre la Russie de Poutine et la terreur stalinienne : La journée d’un opritchnik de Vladimir Sorokine. Bref, mais grand roman.