Auteur/autrice : Michel Persitz
Boomer impénitent, parisien repenti, Marseillais relatif. J’ai exercé de nombreuses activités hétéroclites : élève dissipé, philosophe autodidacte, contestataire insubordonné, chauffeur poids-lourd, déménageur, cariste de nuit, garde du corps, traducteur anglais-français, scribe, créatif publicitaire, cinéaste éphémère, conseil en communication, écrivain intuitif, motard recousu, blogueur récidiviste, assistant d’artiste.
Le courage des oiseaux migrateurs. Chi Zijian
Formidable roman situé au Sichuan, dans les rudes montagnes glacées du nord-ouest de la Chine. C’est le somptueux récit haut en couleurs de la vie quotidienne des deux gardiens d’une réserve ornithologique – Dents de Fer le roublard, Noiraud le simple d’esprit. C’est aussi une illustration picaresque de comment la fraude et la corruption généralisées gangrènent toutes les institutions et administrations chinoises. Nul n’y échappe ou presque. Les trafics, les pots de vin, sont le lubrifiant indispensable d’un système perverti. Il s’étendent sans faille depuis les combines du petit peuple des échoppes de la rue de la Paix, jusqu’aux intrigues et manigances des puissants dont les nominations à des postes enviés sont toujours âprement disputées et négociées car elles garantissent aux titulaires la possession de somptueuses résidences secondaires, loin dans le sud, au chaud, dans les villes du bord de mer.
« Chi Zijian est née en 1964 à Mohe, dans l’extrême nord de l’Heilongjiang, le pays du froid, tout près de la frontière avec la Russie. Elle a publié à ce jour plus de quatre-vingt romans, recueils de nouvelles et essais. Traduite partout dans le monde, elle a remporté de nombreux prix littéraires parmi les plus prestigieux comme le grand prix Mao Dun pour son roman Le Dernier Quartier de la lune (Editions Picquier). Une écriture étincelante et d’une profonde humanité, une autrice qui n’a pas fini de nous étonner. » (texte de présentation des éditions Picquier)
Milandu Beh. Makhadzi & Penny Penny
Irréfutable essai de successologie. Lydie Salvayre
La romancière à succès (prix Goncourt 2014) nous invite à partager ses connaissances en la matière. La revendication d’irréfutabilité du manuel est sans doute excessive et le néologisme successologie ne semble pas indispensable pour un ouvrage de vulgarisation populaire que l’on se serait attendu à trouver dans les collections dédiées : « Les clés de la réussite », les manuels de la série « Pour les nuls », ou encore parmi les offres des coachs épanouisseurs de : lesclésdusucces.eu
Pour le dire simplement, Lydie Salvayre ne nous apprend pas grand-chose. Le lecteur curieux de découvrir des chemins inédits vers la fortune et la gloire sera déçu. Tout cela a déjà été révélé, dit, chanté, répété maintes et maintes fois, en prose et en vers, depuis Ésope et Aristophane. Si la quête du succès à tout prix est votre but : oubliez l’honneur et l’intégrité, courbez l’échine lorsque c’est profitable, flattez votre public, flagornez les puissants, dénigrez vos rivaux, gonflez votre talent, donnez-vous de l’importance, etc. La règle est inébranlable, que vous soyez chroniqueur, littérateur, youtubeur, architecte, artiste, médecin, professeur ou philosophe. À défaut d’innovation ou de perspicacité, l’irréfutable essai salvayrien se contente d’actualiser les recettes ancestrales et les portraits convenus de parvenus, aigrefins, demi-célébrités, fausses gloires, pour les présenter à l’heure de la virtuelle renommée pour tous à portée de clics. Un sketch d’Anne Roumanoff ou de Florence Foresti aurait suffi à enfoncer le clou. À s’étendre sur le sujet, on court des risques. L’ironie insistante n’est pas toujours légère, le trait devient parfois appuyé et laisse transparaître à plusieurs reprises une condescendance élitiste embarrassante – Oh pôvre bookstagrameuse !
Il y a peu, Lydie Salvayre, au travers de quelques belles lettres adressées à Cervantès, invitait ses lecteurs à Rêver debout. Excellent programme. Il n’y avait rien à ajouter. Hélas, vint ce futile Irréfutable essai avec son second degré insistant et sa leçon de morale finale pour celui ou celle qui n’aurait toujours pas compris le message de l’autrice: « Je rigole, banane ! Il ne faut évidemment pas suivre les conseils du livre. C’est le chemin étroit et escarpé qu’il te faudra suivre si tu veux t’élever, mon cochon.«
White noise.New body rhumba.
Film de Noah Baumbach. Scène finale. Musique : LCD Sound System.
Le chien décevant
Chien moyen, modèle standard. Bon état général. Ni jeune ni vieux. Poil ni court ni long, Ni dur ni mou. Jaune sale. Queue banale. Oreilles passives. Grosse truffe humide. Plus balourd que turbulent. Plus lent que vif. Rarement fringuant. Se couche en rond. Recommence le rond dans l’autre sens. Renifle. Soupire. Gémit. Agite brièvement la queue. Gronde sans conviction. Couine. Bave. Lève la patte gauche. Urine. Jappe. Court parfois. Saute modérément. Aboie, à contrecœur. Surtout quand il a peur. – « Attaque ! » Tu parles d’un klebs ! Il n’a jamais mordu personne, ce con. – Reviens ! Le chien fout le camp. – Va chercher ! « Cause toujours » a l’air de dire le chien qui creuse dans une platebande. – Rapporte ! Rapporte ? Le chien, assis immobile, regarde en l’air. S’en fout de la balle. S’en fout du bâton. Urine. N’aime pas les enfants. N’aime pas la voiture. N’aime pas l’eau. Aime les croquettes. S’écroule d’un coup en vrac pour se lécher la bite. Pense à on ne sait quoi et brusquement bande rose. Se frotte au premier pantalon qui passe. Se fait engueuler. Le chien bâille. Tourne le dos et va. Va et revient. Re-urine. Re-va encore puis re-revient. Recommence. Et encore re-re-va là-bas. Re-re-re-urine. Et ainsi de suite. Le cycle canin. Les déjections canines. La vessie du chien. Le bon chien bovin, tranquille-tranquille qui grimpe sur le canapé. Ce n’est même pas interdit ou alors, on ferme les yeux. Là, une lueur traverse son œil. Il va se passer quelque chose. Une seule chose. On va lui donner des croquettes. Il a besoin de croquettes régulièrement. Le plus souvent possible. Un chien en bonne santé a toujours l’estomac plein. Le chien est fatigué. Il baisse la queue. Il pose sa grosse tête par terre. Le chien attend à l’emplacement de la gamelle. Toute une vie de croquettes. Pour une vie moyenne de chien moyen, comptez une tonne de croquettes. Le chien a vieilli. Le chien est devenu trop gros et il sent mauvais. Ne vaque guère. Du coussin à la gamelle, De la gamelle au poteau sur lequel il pisse. Retour au coussin. Se gratte à peine. Ne remue plus la queue. Ne rêve plus que de bouffe. Ronfle. Pète plus qu’avant. Très décevant leur chien.
Special dédicace à Leygo aka DJ « I & I » Rapsode. Que cosas tiene la vida.
Le beau vœu d’Etgar Keret pour 2023.
It’s The End Of The Year As We Know It.
À lire (en anglais) sur son compte Substack.
https://etgarkeret.substack.com/?r=3pjsb&utm_campaign=pub&utm_medium=web
Otyken
El bueno y el malo.
RIP Terry Hall. Long live The Specials !
Barbara Cassin-3
Ce que peuvent les mots. Compte rendu de lecture.
Trois semaines intimes avec Barbara Cassin. Se laisser envahir. Vertige de l’amour. Mêler nos langues. Jouir du trouble dans les plis. Partager l’émoi. S’enfoncer dans l’histoire profonde. Plonger avec volupté dans la perpétuelle fraîcheur de l’incertain. Frôler, caresser, sentir. Chérir les verbes. Avancer sans crainte, pieds nus, dans l’ombre des phrases. Baigner dans le presque indicible. Toucher l’écorce. Écouter l’arbre. Effleurer la peau nerveuse des feuilles. Inspirer les parfums. Respecter les mousses et les champignons. Nourrir l’équivocité. Chanter l’incertain sous la lune. Sauter la barrière. Passer la frontière. Chercher une autre rive. N’importe laquelle. Fuir les piscines, nager dans le courant. Respirer dans l’entre. Ivresse de l’inconnu, joie du méconnu, oubli du con, du connu. Fluidifier les flux. Fuir le dur, le sûr et le pur. Se désapproprier les droits de. Se méfier de l’universel. Éviter les plus petits communs. Miroir aux alouettes. Travailler l’arable, produire du créole versatile. Chérir Homère. Partir en Chine avec Ulysse. Chahuter les professeurs. Taquiner les maîtres à penser dans leur sarcophage : « Quel con ce Platon ! Heideg-guéridon ! ». Contester les encyclopédies, enrichir les dictionnaires. Douter de l’homme, mais aimer les femmes et la poésie. Fuir les modernes certitudes. Détacher les étiquettes, barrer les code-barres, ignorer les QR. Anarchiser le digital : « Blockchain-de-vélo, NFT toi-même ! Ni Dieu ni twitter ! Regarde maman : sans google ! » Laisser pénétrer l’étrange étranger. Que dit-il ? Tendre l’oreille. Capter le silence entre les mots. Chérir. Déshabillez-vous. Soulever et retourner les phrases. – « Que pensez-vous de ce que vous vivez ? Comment ? Parlez plus fort. »