À trois heures du matin, chaudement enveloppé dans une parka Gore-Tex, un bonnet de laine enfoncé sur la tête sous la capuche de mon sweat, j’étais en place. J’avais un maxi thermos de thé chaud additionné de rhum agricole et un siège pliant de pêcheur à la ligne. Je n’étais pas le premier de la file, mais j’étais dans les vingt premiers. Avec un peu de chance, j’en aurais un. La rumeur disait que même si la sortie en rayon n’était prévue et annoncée que pour le 3, quelques magasins en auraient déjà en stock dès le 2 mars. À 7 heures, nous étions plus de cinquante et à 9 h 30, quand le rideau de la librairie s’est enfin levé, la queue tournait le coin de la rue. Nous étions cinq cents selon la préfecture, dix-mille selon l’éditeur. Encore un peu de patience et ce fut mon tour. Ému et frigorifié, j’ai tendu les 24,50 € déjà préparés dans ma poche et j’ai enfin reçu mon précieux exemplaire ! Le dernier livre du plus grand écrivain vivant au monde ! Je l’ai vite caché sous mon pull pour ne pas risquer qu’un envieux désespéré me l’arrache des mains. Hilare, je courais dans les rues comme un crétin ayant touché le dernier iPhone. J’avais envie de crier au monde entier : – Je l’ai ! J’en ai un ! Premier tirage original en français !
J’en ai un !
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