Les cendres de ma casserole

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Et je frappe en silence sur ma casserole
Parce que le Soudan
Et je frappe sur ma casserole
Parce que Haïti
Et je frappe sur ma casserole
Parce que les femmes d’Iran
Et d’Afghanistan
Et les Yézidis
Et la République du Congo
Et le Burkina Faso
Et la Syrie
Et la Libye
Et d’autres encore
Djibouti
Les Comores
Les ateliers du Bangladesh
Et toutes celles et ceux que je ne veux
Que je ne peux
Que je ne dois pas oublier
Il y en a tant
Beaucoup m’échappent
Il m’en manque toujours
Alors, je frappe pour les oubliés
Les anonymes
Et les réfugiés
De partout les réfugiés
Peuple des sauve-qui-peut pour vivre
Ou tant pis, autant mourir
En mer, sur terre, à vous de voir
De toute façon, ce sera dans un désert peuplé de sourds
Mais ne pas attendre
Que ça se tasse
Que ça passe
Je frappe sur ma casserole
Parce que la Russie se croit toujours impériale et sainte
Je frappe sur ma casserole
Parce que l’Amérique se prend encore pour la patrie de Dieu et du bien
An offer you can’t refuse !
Ouvrez les yeux, peuples de crédules !
Je frappe sur ma casserole
Parce qu’en Israël
Des politiciens véreux et des fous intégristes
S’enfoncent dans l’obscurantisme comme des salafistes
Je frappe sur ma casserole
Parce que la Chine orgueilleuse
Se prend pour l’immuable Empire céleste
Je frappe sur ma casserole
Parce que les illusions maléfiques prolifèrent
Partout les vessies éteignent les lanternes
Et je frappe sur ma casserole
Parce que
Pendant que je tambourine
Les usines d’armement
Tournent à plein régime, nuit et jour
Canons, fusils, chars, avions
Missiles, grenades, mitraillettes, roquettes
Mines, drones
Munitions, calibre 11,43, calibre 9
Calibre 7,62, calibre 5,56
Les caisses forment des montagnes
Les montagnes remplissent des camions, des trains
Des navires bourrés jusqu’à la gueule
Des avalanches et des avalanches de dollars
Chaque balle fabriquée
Tôt ou tard
Ou plus tard encore
Sera tirée
Qu’importe quand, qu’importe où
Elle trouvera son destinataire
Un soldat de dix-huit ans
Un épicier, ta sœur
Ce petit garçon
Qui revenant de l’école
Passait par là
Je frappe sur ma casserole noire
Parce que l’eau manque
Les larmes aussi
Je cogne la nuit sur mon clavier
Et ce ne sont que des lettres mortes
Qui sortent
À peine écrits, mes mots se dessèchent
Mes phrases tombent en cendres de ma casserole
Sans faire de bruit.

Par Michel Persitz

Boomer impénitent, parisien repenti, Marseillais relatif. J’ai exercé de nombreuses activités hétéroclites : élève dissipé, philosophe autodidacte, contestataire insubordonné, chauffeur poids-lourd, déménageur, cariste de nuit, garde du corps, traducteur anglais-français, scribe, créatif publicitaire, cinéaste éphémère, conseil en communication, écrivain intuitif, motard recousu, blogueur récidiviste, assistant d’artiste.