
Pour les femmes, c’est sans doute beaucoup plus que cela, mais pour les hommes, c’est un cadeau. Une lumière. Un rayon de soleil. Des poutres qui tombent des yeux.
Je me suis revu satisfait de ne pas être un gros porc, fier de ne pas être un peloteur, un harceleur, un beauf’. Un type bien en somme. Presque un féministe. Je me suis vu tel qu’elles ont pourtant dû me voir celles auxquelles j’ai manqué de respect sans même m’en rendre compte. Je leur demande pardon.
J’ai compris l’effet que cela fait de se soumettre par lassitude. Ces capitulations muettes, ces faux consentements que les hommes acceptent si facilement.
Je me satisfaisais de deviner les différentes formes subtiles et hypocrites de la domination masculine. Je ne les connaissais que de façon vague, désincarnée, abstraite. De quoi, dans mon cas, être un peu honteux, mais pas plus que ça. Pas la peine de trop fouiller par là. Je suis un humaniste, je suis sûrement du bon côté. Ces formes de domination, Anouk me les a montrées bien éclairées, de profil et de face. En gros plan. Presque au toucher. J’ai frémi. Le respect, c’est donc plus exigeant que ce que je croyais.
Je me suis mis à la place d’Anouk. Je me suis allongé à la place de l’enfant Anouk. De l’actrice Anouk. J’ai compris, senti, la dure boule noire froide que l’on a enfouie au plus profond d’elle. Une boule inexpugnable à jamais. Elle écrit : « Ça dure quelques minutes pour l’homme et une vie entière pour une femme. » J’ai compris ça. Et bien d’autres choses. L’horreur de l’emprise et de son déni.
Je me suis revu connement béat d’admiration devant les films de Bertrand Blier salué comme une personnalité « anticonformiste, irrévérencieuse, parfois provocante et briseuse de tabous, mais toujours teintée de tendresse et parcourue d’une poésie foutraque ». Tu parles d’un poète ! Un sanglier graveleux et salace comme Depardieu et Jean-Marie Bigard.
J’ai compris comme l’avait déjà expliqué Neige Sinno dans Triste Tigre que si hélas l’amour ne répare rien, il permet de vivre, de retrouver le goût du bonheur. Combien aimer et être aimé est essentiel. Tout cela le livre l’éclaire sans filtre, mais sans colère, avec dignité, franchise et hauteur. Ce courage de dire publiquement la vérité, de dire toute la vérité crue et nue, quelles qu’en soient les conséquences pour soi, les Grecs lui avaient donné un nom : la parrêsia. Parrésiaste est le nom de celui ou celle qui ose cette liberté de parole. J’ai été pris par la main d’une parrésiaste combattante, une femme généreuse, debout, fière, aimante et lumineuse. Merci Anouk Grinberg.
