
Le courage des oiseaux migrateurs. Chi Zijian

L'impossible est le moins que l'on puisse exiger. James Baldwin
La romancière à succès (prix Goncourt 2014) nous invite à partager ses connaissances en la matière. La revendication d’irréfutabilité du manuel est sans doute excessive et le néologisme successologie ne semble pas indispensable pour un ouvrage de vulgarisation populaire que l’on se serait attendu à trouver dans les collections dédiées : « Les clés de la réussite », les manuels de la série « Pour les nuls », ou encore parmi les offres des coachs épanouisseurs de : lesclésdusucces.eu
Pour le dire simplement, Lydie Salvayre ne nous apprend pas grand-chose. Le lecteur curieux de découvrir des chemins inédits vers la fortune et la gloire sera déçu. Tout cela a déjà été révélé, dit, chanté, répété maintes et maintes fois, en prose et en vers, depuis Ésope et Aristophane. Si la quête du succès à tout prix est votre but : oubliez l’honneur et l’intégrité, courbez l’échine lorsque c’est profitable, flattez votre public, flagornez les puissants, dénigrez vos rivaux, gonflez votre talent, donnez-vous de l’importance, etc. La règle est inébranlable, que vous soyez chroniqueur, littérateur, youtubeur, architecte, artiste, médecin, professeur ou philosophe. À défaut d’innovation ou de perspicacité, l’irréfutable essai salvayrien se contente d’actualiser les recettes ancestrales et les portraits convenus de parvenus, aigrefins, demi-célébrités, fausses gloires, pour les présenter à l’heure de la virtuelle renommée pour tous à portée de clics. Un sketch d’Anne Roumanoff ou de Florence Foresti aurait suffi à enfoncer le clou. À s’étendre sur le sujet, on court des risques. L’ironie insistante n’est pas toujours légère, le trait devient parfois appuyé et laisse transparaître à plusieurs reprises une condescendance élitiste embarrassante – Oh pôvre bookstagrameuse !
Il y a peu, Lydie Salvayre, au travers de quelques belles lettres adressées à Cervantès, invitait ses lecteurs à Rêver debout. Excellent programme. Il n’y avait rien à ajouter. Hélas, vint ce futile Irréfutable essai avec son second degré insistant et sa leçon de morale finale pour celui ou celle qui n’aurait toujours pas compris le message de l’autrice: « Je rigole, banane ! Il ne faut évidemment pas suivre les conseils du livre. C’est le chemin étroit et escarpé qu’il te faudra suivre si tu veux t’élever, mon cochon.«
Chien moyen, modèle standard. Bon état général. Ni jeune ni vieux. Poil ni court ni long, Ni dur ni mou. Jaune sale. Queue banale. Oreilles passives. Grosse truffe humide. Plus balourd que turbulent. Plus lent que vif. Rarement fringuant. Se couche en rond. Recommence le rond dans l’autre sens. Renifle. Soupire. Gémit. Agite brièvement la queue. Gronde sans conviction. Couine. Bave. Lève la patte gauche. Urine. Jappe. Court parfois. Saute modérément. Aboie, à contrecœur. Surtout quand il a peur. – « Attaque ! » Tu parles d’un klebs ! Il n’a jamais mordu personne, ce con. – Reviens ! Le chien fout le camp. – Va chercher ! « Cause toujours » a l’air de dire le chien qui creuse dans une platebande. – Rapporte ! Rapporte ? Le chien, assis immobile, regarde en l’air. S’en fout de la balle. S’en fout du bâton. Urine. N’aime pas les enfants. N’aime pas la voiture. N’aime pas l’eau. Aime les croquettes. S’écroule d’un coup en vrac pour se lécher la bite. Pense à on ne sait quoi et brusquement bande rose. Se frotte au premier pantalon qui passe. Se fait engueuler. Le chien bâille. Tourne le dos et va. Va et revient. Re-urine. Re-va encore puis re-revient. Recommence. Et encore re-re-va là-bas. Re-re-re-urine. Et ainsi de suite. Le cycle canin. Les déjections canines. La vessie du chien. Le bon chien bovin, tranquille-tranquille qui grimpe sur le canapé. Ce n’est même pas interdit ou alors, on ferme les yeux. Là, une lueur traverse son œil. Il va se passer quelque chose. Une seule chose. On va lui donner des croquettes. Il a besoin de croquettes régulièrement. Le plus souvent possible. Un chien en bonne santé a toujours l’estomac plein. Le chien est fatigué. Il baisse la queue. Il pose sa grosse tête par terre. Le chien attend à l’emplacement de la gamelle. Toute une vie de croquettes. Pour une vie moyenne de chien moyen, comptez une tonne de croquettes. Le chien a vieilli. Le chien est devenu trop gros et il sent mauvais. Ne vaque guère. Du coussin à la gamelle, De la gamelle au poteau sur lequel il pisse. Retour au coussin. Se gratte à peine. Ne remue plus la queue. Ne rêve plus que de bouffe. Ronfle. Pète plus qu’avant. Très décevant leur chien.
It’s The End Of The Year As We Know It.
À lire (en anglais) sur son compte Substack.
https://etgarkeret.substack.com/?r=3pjsb&utm_campaign=pub&utm_medium=web
Ce que peuvent les mots. Compte rendu de lecture.
Trois semaines intimes avec Barbara Cassin. Se laisser envahir. Vertige de l’amour. Mêler nos langues. Jouir du trouble dans les plis. Partager l’émoi. S’enfoncer dans l’histoire profonde. Plonger avec volupté dans la perpétuelle fraîcheur de l’incertain. Frôler, caresser, sentir. Chérir les verbes. Avancer sans crainte, pieds nus, dans l’ombre des phrases. Baigner dans le presque indicible. Toucher l’écorce. Écouter l’arbre. Effleurer la peau nerveuse des feuilles. Inspirer les parfums. Respecter les mousses et les champignons. Nourrir l’équivocité. Chanter l’incertain sous la lune. Sauter la barrière. Passer la frontière. Chercher une autre rive. N’importe laquelle. Fuir les piscines, nager dans le courant. Respirer dans l’entre. Ivresse de l’inconnu, joie du méconnu, oubli du con, du connu. Fluidifier les flux. Fuir le dur, le sûr et le pur. Se désapproprier les droits de. Se méfier de l’universel. Éviter les plus petits communs. Miroir aux alouettes. Travailler l’arable, produire du créole versatile. Chérir Homère. Partir en Chine avec Ulysse. Chahuter les professeurs. Taquiner les maîtres à penser dans leur sarcophage : « Quel con ce Platon ! Heideg-guéridon ! ». Contester les encyclopédies, enrichir les dictionnaires. Douter de l’homme, mais aimer les femmes et la poésie. Fuir les modernes certitudes. Détacher les étiquettes, barrer les code-barres, ignorer les QR. Anarchiser le digital : « Blockchain-de-vélo, NFT toi-même ! Ni Dieu ni twitter ! Regarde maman : sans google ! » Laisser pénétrer l’étrange étranger. Que dit-il ? Tendre l’oreille. Capter le silence entre les mots. Chérir. Déshabillez-vous. Soulever et retourner les phrases. – « Que pensez-vous de ce que vous vivez ? Comment ? Parlez plus fort. »
Ce que voit Barbara Cassin :
« Quand on tente de parler ensemble poésie et philosophie, c’est nécessairement avec véhémence, c’est-à-dire sans honte ni surmoi ironique. Pour dénoncer à tous les niveaux, donc avec des mots qui se bousculent, ces portions insupportables de contemporain, implantées et trop bien en place, qui abîment le vert vivace et bel aujourd’hui. Nous vivons derrière des grilles. Ces grilles sont d’abord des grilles de langage. Tout ce qui se fait, de l’école à l’hôpital, de l’accueil à l’innovation et à la création, doit rentrer dans ces grilles pour, tout simplement, exister dans l’évaluation qui définit le monde commun. Le plus effarant est que nous savons que nous en mourons/mourrons, mais que tout se passe comme si nous ne pouvions pas ne pas. La même impuissance double blindée nous englue dans le réchauffement du climat et le désarroi des espèces. Il y va d’un immense effet pervers lié au dévoiement de la performance : non plus énergie mais arrêt sur calcul et pseudo-calculs au moyen d’items techno-scientifiques politiquement asservis. Le ressort en est la toute-puissante définition de la qualité comme propriété émergente de la quantité, qui façonne sur le modèle d’un algorithme à la Google la perception financiarisable du monde, y compris sous couvert de démocratie. Protestation trop globale, protestations trop locales ? On va dans le mur, mais on a allumé les phares. »
Barbara Cassin. Introduction à « Que pensez-vous de ce que vous voyez ? » Quatrième partie de « Ce que peuvent les mots ». Bouquins. 2022.
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